À Bruxelles, quand le théâtre devient un lieu de haine
BRUXELLES
La Ligue des Droits de l'Homme a réalisé le dossier-programme d'un spectacle palestinien présenté à Bruxelles qui rend compte du tragique vécu des habitants de Ramallah. Ce dossier édulcore la responsabilité historique des pays arabes dans la situation actuelle.
Récit
Sur les planches du Théâtre de Poche, scène bruxelloise connue pour ses spectacles d'avant-garde, les acteurs du Théâtre Al Kasaba de Ramallah jouent en arabe. Le spectacle intitulé «Palestine, chroniques d'une occupation» est sous-titré en français. Les comédiens y content l'ordinaire des gens de Ramallah où, plus encore que la misère, l'absence de liberté rend tout insupportable. Dans un espace réduit à quelques rues quadrillées par des check-points, les habitants tournent en rond jusqu'à la folie. L’amour, l'amitié, la vie y sont souffrances. Est-ce vivre que de vivre ainsi, parqués dans des quartiers de tôle ondulée? Et comment faire pour garder son humanité quand on se vit comme paria ?
Rendre compte du vécu des Palestiniens est une chose. Fallait-il pour autant tomber dans un manichéisme simpliste en imputant aux seuls Israéliens la responsabilité de la dégradation de la situation? Angélisation des Palestiniens et diabolisation des Israéliens : on est loin d'une véritable réflexion sur l'absurdité de la guerre comme dans le théâtre d'Edward Bond. Pour cela, il aurait fallu reconnaître aux Israéliens une parcelle d'humanité.
Dans le théâtre, des affiches du spectacle ont été arrachées : « Ce sont les extrémistes juifs », a-t-il été dit de toutes parts, sans avancer la moindre preuve. Une journaliste de la radio publique belge dépêchée sur place a rencontré des membres de l'Union des Étudiants juifs de Belgique ainsi que ceux du Collectif Dialogue & Partage qui, à l'extérieur, distribuaient des tracts appelant à encourager la paix entre les deux peuples et à signer le plan de paix Ayalon-Nusseibeh. Ces jeunes militants pacifistes sont présents tous les soirs, mais personne n'en souffle mot. Il est vrai que le visage particulièrement doux du président de l'Union des Étudiants, David Prync, ne cadre pas avec l'accusation d'extrémiste. Son interview n'a d'ailleurs pas été diffusée.
En revanche, le programme du spectacle, qui reproduit d'ailleurs le plan Ayalon-Nusseibeh, présente également son historique du conflit du Moyen-Orient : un dossier réalisé par la Ligue des Droits de l'Homme, dont le souci manifeste d'édulcorer la réalité l'a conduite à fabriquer une vision quasi révisionniste du conflit. Aussi n'est-il fait aucune allusion à la responsabilité des pays arabes dans la situation actuelle, pas plus qu’au « triple non » de Khartoum de 1967, par exemple – non à la paix avec Israël, non à la reconnaissance d’Israël, non à la négociation avec Israël. La Ligue des Droits de l’Homme attribue à Israël la responsabilité de la plupart des guerres qui ont jalonné les relations entre les pays de cette région et présente les Israéliens comme de cruels vainqueurs et des guerriers par essence. Une caricature qui satisfait ceux qui se plaisent à répéter qu'Israël retrouve ainsi le visage des origines : celui d’un judaïsme meurtrier et conquérant tel que l'incarne Josué dans le livre qui porte son nom et qui narre la conquête de Canaan. Une version contredite par le Livre « Les Juges » qui montre que, plutôt que la violence guerrière, ce furent souvent des traités qui ont régulé la coexistence des peuples de la région.