Altruisme

ATRUISME EN MILIEU SCOLAIRE

New York 1964. Une femme est agressée et se fait assassiner de­vant son domicile. Une quarantai­ne de voisins assistent à la scène depuis la fenêtre de leur apparte­ment. Pas un seul d'entre eux n'in­tervient, ne serait-ce que pour pré­venir Police Secours.

Interpellé par ce fait divers, Marcel Frydman, professeur de psycholo­gie sociale à l'Université de Mons, effectue, pendant plus de 10 ans, des recherches qui aboutissent à un constat inquiétant : «le témoin d'une situation critique réagit le plus souvent par la fuite et l'abs­tention».

Ces attitudes caractérisent aussi les enfants en milieu scolaire. Placés dans une situation nécessitant un comportement altruiste, seuls 60% d'entre eux interviennent lorsqu'ils ont entre 7 et 8 ans ; entre 11 et 12 ans, ils ne sont plus que 30% à se porter au secours d'autrui. Si l'école favorise les qua­lités intellectuelles, elle néglige to­talement l'éducation sociale. Le Professeur Frydman en appelle d'urgence à la mise en place d'une véritable politique pédagogique qui favorise l'épanouissement des qualités sociales chez l'élève. Celles qui en feront un adulte responsable et autonome, capable de prendre l'initiative d'intervenir. Son cri d'alarme date de 1984. Il n'a toujours pas été entendu. Les programmes scolaires n'ont pas en­core intégré la nécessité de l'éducation sociale et civique [1].­

Altruisme déficitaire des avocats français, pen­dant la guerre

Robert Badinter nous en parle dans son livre «Un antisémitisme ordinaire», qui vient de paraître chez Fayard. Avec la passion de la justice qui le caractérise, l'ancien ministre de la Justice de François Mitterrand nous raconte comment ces diplô­més docteurs en droit ont accepté, sans protester, la radiation de leurs confrères juifs victimes des lois de Vichy. Aucune crise de conscience ne semble les avoir affectés. De ces crises qui érigent des personnages de roman en modèles boulever­sants, comme le héros de «La chu­te» d'Albert Camus. Assistant à la noyade d'une jeune femme, il se sent submergé par une passivité incontrôlable. Hanté par cette lâ­cheté, il passera sa vie à s'occuper des autres et à souhaiter ardem­ment revivre cette scène où, pour la seconde fois, il aurait la chance de la sauver et donc de se sauver lui-même. Car, en sauvant les autres, n'est-ce pas aussi soi-mê­me que l'on sauve ?

La solidarité de groupe érigée en vertu cardinale par les pionniers de l'Etat d'Israël, fondateurs des pre­miers kibbutzim, en fait bien sûr des modèles d'altruisme. C'est à ceux-ci que toute la Communauté rendra hommage ce 19 mai à 19 heures, au Centre culturel d'Uccle, lors de la fête de Yom ha­ Atsmaout. Celle-ci sera aussi fê­tée par le KKL à Anvers le di­manche 11 mai à 20h, et à Bruxelles, au Centre Y. Rabin le 11 mai également à 20h. Si vous êtes disponible, ne manquez ni l'une ni l'autre.

Altruisme et Individualisme

Le mot altruis­me fut inventé par Auguste Comte, le père du positi­visme, par opposition à l'égoïsme qu'il percevait comme une consé­quence directe et néfaste des droits de l'homme. L'exercice illi­mité de la liberté individuelle étant incompatible avec le souci de l'autre, selon ce sociologue. Maladroitement opposé aux droits de l'homme, le mot fut rapide­ ment décapité. A sa place, on a prôné l'individualisme. Dans son aspect positif, celui-ci constitue l'aboutissement de la société dé­mocratique, mais, dans son aspect négatif, il se confond avec une so­ciété atomisée où, pour citer Tocqueville, «chacun est comme un étranger à la destinée de tous les autres.» C'est cette indifféren­ce que stigmatise Marian Handwerker (voir page 35). Pour faire échec à cette dérive sociale, le dernier Colloque des intellec­tuels Juifs propose , sous la plu­me du Rabbin Bernheim, une idée d'humanité basée sur «l'accueillance qui serait d'abord le ré­sultat d'un travail d'ouverture de l'être tout entier à autrui et au monde».

Ce que Jacques Derrida nomme l'éthique de l'hospitalité, en hom­mage à son ami Emmanuel Lévinas. Avec un clin d’œil à Sade, auteur de «Français, encore un ef­fort, si vous voulez être Républicains» , dans un texte titré «Cosmopolites de tous les pays, encore un effort» (éditions Galilée) et rédigé dans le cadre du Parlement international des Écrivains , Derrida rappelle la tra­dition hébraïque de l'hospitalité, première attitude altruiste. ■

[1] Certains enseignants, heureu­sement, en prennent l'initiative, comme le cas de ce proviseur - rapporté par Kadima, le journal de l'Union des Etudiants Juifs de Belgique, UEJB (voir page 12) - qui exhorte les professeurs de son établissement à éduquer les élèves à l'humanité et pas seule­ ment au savoir.

Sara B. Zajtman Directrice de Rédaction

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